Les six frères de Sudani – Allal, M’ Barek, Azuz, Hamza, Najib & Bujamaa – sont les fils de Maâlem Hajjoub Goubani, qui est mort dans 1997. Que suit est un entretien avec Maâlem Goubani par Abdelkabir Namir et publié dans le journal Le Matin le 4 juin, 1998.
Premier Festival international de la culture des Gnaoua
Réminiscences
Hommage au Maâlem Goubani maître gnaoui d’Essaouira
Le Premier Festival international de la culture des Gnaoua aura lieu en Essaouira du 5 au 7 juin prochain. Au programme de cette grande manifestation une soiree en homage au regrette Hajjoub Goubani: l’un des anciens maîtres des Gnaoua d’Essaouira.
Cette lila de derderba (nuit organisee selon le ceremonial de possesion specifique aux Gnaoua sera animee par, des derniers anciens Maâlem de cette generation, Boubker Guinea en presence du jeune maâlem Allal — fils ainé de Goubani. — autrea Ma Maâlemine (Abdelatif — Makhzoumi et Brahim Balkani tous deux de Marrakech) seront également de la fête, pour cette hommage au maître auquel vont participer aussi les voyantes affiliées àla confrerie des gnaoua. Dans le présent article, il s’agira de quelques témoignages inédiits recueillis de la bouche au regretté Maâlem Hajjoub Goubani. Cet entrelien semidirigé en novembre 1993, dans le riad de Frédéric Damgaard de la skala d’Essaouira.
Maître Goubani Raconte
“Mon père qui s’appelle M’Barek est originaire de Chnafou au Soudan où il fut volé et vendu au Sahara. Quant à ma mère elle est originaire de Bamako au Mali… Moi, je suis né à Essaouira en 1923… Depuis 1985, je suis Moqadem de la zaouia des Gnaoua. En 1987, j’ai été désigné comme Moqadem de la taïfa des Gnaoua d’Essaouira…”
En effet, ses papiers officiels, carte d’identité nationale et certificat accordés par la municipalité de la ville et par l’autorité compétente des Affaires religieuses affirment ses dires.
“Entre mon ami Maâlem Boubker Guinéa et moi, il y a plusiers différences dans nos façons de jouer. Moi, je maîtrise seulement le marsaoui. Alors que Boubker lui, il joue auissi le gharbaoui. On peut facilement noter les différences entre ces deux variantes dans la maîtrise des instruments, dans le répertoire chanté, et dans le rituel. Moi, je respecte davantage les traditions du marsaoui…
De nos jours les temps changent si vite et nos costumes avec. Le vrai mode souiri de Gnaoui n’existe plus. La vrai maîtrise des notes se perd. Les jeunes Jeddaba (danseurs en transe) d’ajourd’hui ne sont pas de vrais adeptes. Il n’y a plus d’Ahl Alhal comme nous les avions connus par le passé. Avante, les vrais maâlem avaient peur de ces gens du Hal, ces jeddaba connaisseurs qui ne tolérant aucune fausse note dans l’exécution de la musique de leurs Mlouk…”
Maître Goubani évoque, avec émotion sa jeunnesse difficile et heureuse dans les dédalles de la médina…
“Nous avions, mon ami Boubker et moi joué dans la même groupe, pendant notre jeunesse; un jour, nous dêcidâmes de nous séparer au cours du moussem de Tameslohte… Chacun de nous a gardé sa propre dkhira (provision en don rabani, divin) sans laquelle aucune réussite n’est possible… Avant, on ne jouiat guère pour l’argent. Chaque gnaoui avait son métier: menusieer, maHon ou autre. Pendant les lila ou les fêtes, les gens donnaient simplement du ftouh symbolique (modique somme d’argent) de leur plein gré. On jouait notre musique sacrée pour le plaisir et pour le hal (état psychologique du passioné de ce rituel)…””
A propos de la construction de la zaouia des Gnaoua à Essaouira, Maâlem Goubani se souvient
“J’ai connu Haj Abderrahmane Jouâ: pere de Allal Jouâ dont l’une des ruelles de la médina porte toujours le nom.
Il possédait sept esclaves noirs qu’il considérait comme ses propres enfants. Il leur apprenait chacun un métier. L’un d’eux Maâlem Salem devint maçon reconnu et célèbre dans tout la région. C’était lui qui entrepit la construction du local de l’actuel sanctuaire des Gnaoua à Essaouira. Avant cette date, il y a avait à cet endroit une simple m’zara (lieu de cuite en plein air entouré de pierres). Puis, on l’a transformé en n’wala (hutte). Sur cette emplacement, Maâlem Salem construisit notre zaouia”.
Il existait, probablement au même endroit depuis le 18è siècle, un lieu de cuite ou les noirs (anciens esclaves) se reassemblaient en dehors de la ville (actuelle Casbah) construite à partir de 1764 par Sidi Mohamed Ben Abdallah.
J’arrête ici, pout le moment, mon entretien avec Maâlem Hajjoub Goubani. Pout terminer cet article, je donne un example concret de l’intérêt du document authentique pour l’approche ethnographique.
Au cours de l’une de ces soirées amicales, Maâlem Hajjoub sortit de sa poche de sa poche une ancienne photographie qu’il se mit à commenter
“Cette photo est prise vers 1930. Ici, ce sont les autorités locales françaises en uniformes militaires… Les personnes en Jellaba blanches sont les représentants des différents confréres religieuses de la ville: le noir qo’on voit là, le premier à partir de la droite, aux piedsnus, c’est mon père M’Barek. Il porte le drapeau des Gnaoua.
Le second brandit celui des Jilala. Les autre portent les fanions des différentes zaouia actives à l’èpoque: les Hamadcha, les Aïssaouia, les Regraga, les Touhama, les R’ma, les Ghazaoua et la Taïfa de Moulay Brahim…”
Ce précieux document a été conservé par Frédéric Damgaard qui avait sais immédiatement l’intérêt de cette photographie.
Elle est aujourd’hui exposée, au milieu d’autres photos, prises par Youssef Regragui, représentant les Gnaoua d’Essaouira à différentes occasions.
L’exposition a lieu dans l’ancien Palais de Justice. Les bénéfices de ses ventes iront à la zaouia des Gnaoua de la ville.
Par Abdelkabir Namir
Auteur de La Baraka des Regraga (Ed. Sefriou, Essaouira, 1996)
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